Partenaires opérationnels
Création réalisée dans le cadre d’une commande publique pour les « 35 ans du CNHR ». Projet soutenu et financé par le service des Solidarités de la Ville de Nantes et le service de la Coopération internationale de Nantes Métropole.
À propos de « DESSINER SA PLACE AU MONDE »
(extrait) : Anne Volvey (Géographe) / HDR Transitionnelles géographies)_ chapitre 3 Volume 3_ 2013
(…) Au Musée dʼHistoire, lʼinstallation est présentée à côté du travail dʼhistoriens et dʼanthropologues : elle a donc trouvé sa place au sein dʼun dispositif muséographique fait pour porter un discours de sciences sociales sur le thème de lʼimmigration. Dans lʼextrait ci-dessous de lʼentretien, les membres du collectif La Luna évoquent lʼimportance des pratiques figuratives associées à la créativité transitionnelle, la transformation de lʼespace transitionnel de la pratique relationnelle (le campement) en objet dʼart (lʼigloo). Ici , la goutte bambou. (…) Le « campement » attaché à et dépendant de son site, se retourne en un « igloo » déplaçable et repositionnable dans de multiples contextes, comme une image de corps collective qui, une fois soma-topo-graphiée, peut affronter tous les lieux de sa mise en jeu.
(…) La Luna revient aussi sur la dimension politique dʼun art relationnel fondé sur des pratiques relationnelles, où lʼinstallation dʼun espace transitionnel fonctionne dʼune part, dans lʼespace public comme projet et construit commun, et dʼautre part, comme moyen dʼun abandon par lʼartiste de la posture dʼautorité individuelle pour une mise en commun et en interaction des capacités individuelles au sein de et sous une forme commune.
Extraits de l’entretien des plasticiennes de La Luna, qui racontent les « faire artistiques à l’oeuvre » :
« (…) Souvent on initie nos projets par ce temps de campement. (…) Par exemple, pour le projet du CNHR, on s’était dit au départ, quʼon allait pouvoir mettre en place des ateliers de pratique artistique dans notre atelier à la Fabrique des Dervallières avec les familles avec lesquelles on allait travailler. Mais on sʼest très vite rendu compte que ce n’était pas possible que les familles se déplacent dans la ville parce quʼelles étaient nouvellement arrivées –elles nʼavaient pas de pratique de la langue, elles nʼétaient pas à l’aise dans les circulations urbaines, elles présentaient une certaine fragilité aussi. Elles avaient deux espaces en commun, la salle dʼactivités et le jardin –qui est en fait une cour en forme de cercle, fermée au public de la rue par les logements. On a installé notre campement à cet endroit-là autour d’un arbre, on lui a donné une forme en fonction du lieu. Et on s’est s’installé là et on est venu tous les jours, ou tous les 2 jours. On a pris le temps aussi de s’imprégner du lieu et de laisser les gens progressivement venir à notre rencontre, dans cet espace. Physiquement, il réunit les lieux d’habitation, là où habitent les familles, et les salles collectives en fait. Donc du coup on était vraiment entre. Cet espace là –on était sur le cercle d’herbe– c’était plutôt celui des enfants, mais petit à petit, dans la journée, les adultes sont venus. On a pu commencer un travail de parole dans ce cercle-là, puis parfois on s’installait dans la salle d’activités, et puis après dans certains appartements, dans certains logements (…).
(…) Mais c’était un lieu qui nous protégeait aussi. Quand on arrive sur les lieux, nous pensons qu’on a nous aussi besoin d’avoir un point d’ancrage. Dans les premiers temps on ne prend pas de photos, on ne filme pas, mais par contre on était visible pour tous. Toutes les fenêtres donnaient sur le campement, on savait qu’on était observées. D’un seul coup, nous installons, nous créons un lieu à nous et nous y révélons une expression de nous-mêmes. On expose nos propres corps dans l’espace, on dessine, on prend du temps pour lire, on discute entre nous, on dessine ce qu’on fait. D’habitude les gens parlent, ils disent ʻon va faire çaʼ, nous nous avons dʼautres moyens, ce qu’on dit, on le dessine, on le projette. On se met nous-mêmes en situation de fragilité par nos propres paroles, nos propres dessins, des choses un peu maladroites. Du coup, il y en a un qui va dire ʻAh bah moi aussi je sais dessinerʼ et puis ʻj’étais architecteʼ, etc. Il a un savoir-faire qui nous dépasse. Il y a une dame qui s’est mise à faire cette image là que tu as derrière toi, elle était illustratrice, et son savoir-faire dépassait les nôtres. (…)
(…) Tout au long du projet, on a laissé la cellule de captation formellement visible, jusquʼà ce quʼelle soit détruite par le vent et la pluie. Et cela a été aussi le premier lieu de restitution progressive des images qui étaient en train de se construire avec les habitants. Cela a été un lieu de recherche aussi. Ces cellules de captation, elles mutent au fur et à mesure du projet en lieux de révélation. Et alors bien sûr elles se transforment formellement en fonction des désirs. Au début tu as l’arbre qui s’étale vers le ciel et la voile de la tente qui protège le temps de la rencontre. Et cette forme un petit peu étale et recouvrante, pour quelque chose qui va se passer à sa base, qui va être la cellule, la table d’accueil, l’hospitalité, l’endroit dʼun goûter, des écrits, des échanges, des enregistrements, va muter un peu pour construire ce qui allait devenir, pour certains, la goutte singulière dans l’océan d’émigration. Pour d’autres c’était un habitacle, un cocon (…) »