Des formes plastiques créoles et combinatoires
Le protocole initial de création partagée (recherche et fabrication à plusieurs mains) implique le caractère composite et combinatoire des oeuvres plastiques, afin de laisser place à la diversité des implications potentielles dans le processus créatif.
Elles sont volontairement hybrides et créoles, cultivant un intérêt majeur pour un questionnement des frontières disciplinaires, sociales et géographiques. Elles sont ouvertes et combinent de nombreuses collaborations : interdisciplinaires, professionnelles comme amateures.

Elles se matérialisent sous forme d’installations plastiques visuelles, tactiles et sonores, qui articulent diversités de matières et de techniques de représentation multi-média : écritures, dessins, peintures, sculptures, photographies, films, performances, rencontres interdisciplinaires, expérimentations de nouvelles pratiques poétiques et symboliques.
Les installations lunaires occupent l’espace d’exposition choisi (espace public, lieux sociaux, salle commune), souvent en dehors des espaces normés de l’art contemporain. Souvent immersives, elles modifient en profondeur la présence même du visiteur qui se retrouve inclus dans l’oeuvre, brisant ainsi le cadre traditionnel de l’espace de monstration dédié aux oeuvres, et stimulant une curiosité active de sa part.

« Le métissage qui produit de l’inattendu (…) est le mouvement perpétuel d’interpénétrabilité culturelle et linguistique qui accompagne la mondialisation culturelle ». (Edouard Glissant, Traité du Tout-Monde, Poétique IV, Gallimard, Paris,1997 )

Edouard Glissant a érigé la créolisation comme le nouvel idéal humain en tant que condition et perspective de développement de la condition humaine mondialisée. Ce caractère imprévisible de la rencontre et du brassage interculturel est essentiel, il donne bien sûr une infinie diversité aux identités et aux expressions, et joue de cette totale liberté de re-composition. D’ailleurs, le dessein de la nouvelle mondialité proposé par Edouard Glissant réfute la notion fallacieuse d’identité qui caractérise « ce qui ne change pas, ce qui reste identique » ; cette notion ne peut donc se rapporter à aucun être humain ni, surtout, à aucun groupe humain, elle est volontairement cultivée pour opposer les peuples et les soumettre.

« Chacun peut changer en échangeant avec l’autre sans se perdre, ni se dénaturer ». (Edouard Glissant, Traité du Tout-Monde, Poétique IV, Gallimard, Paris, 1997 )

La figure rhizomatique de cette nouvelle communauté mondiale, sans centralité, sans hiérarchisation, sans région du monde prioritaire, permet la rencontre des cultures distinctes qui se mêlent, s’entrechoquent, se croisent et élaborent parfois des alliages géniaux, et des entités culturelles inédites. La notion de différence, à partir de ces apports divers est entrée dans la pensée mondiale. La diversité a pénétré l’inconscient du monde.

L’oeuvre assemblée, collage et montage de matériaux hétéroclites et pluriels
Le collage et le montage sont des techniques de création artistique qui consistent à organiser une création plastique par la combinaison d’éléments séparés, de toute nature (images, dessins, matières, objets) perpétuellement recyclés, détournés de leurs sens, dans une nouvelle composition, qui jouent sur la contradiction des éléments juxtaposés pour ouvrir un nouveau champ de perception : critique, métaphorique, poétique dépassant et décalant la représentation du réel.
« Le collage naît de la rencontre entre des réalités différentes sur un plan qui n’y semble pas approprié, et l’étincelle de poésie qui surgit du rapprochement de ces réalités » ( Max Ernst, artiste surréaliste, 1921)

Le collage est un dispositif de synthèse de l’hétérogénéité qui permet d’assembler poétiquement entre eux des éléments hétéroclites mis en jeu, par des gestes précis de mise en relation (liaison, déliaison, juxtaposition, analogie, rupture, dialogue). Le montage par collage ouvre au désir d’expérimentation de formes variables d’expression et d’interprétation, laissant place à la diversité des subjectivités personnelles. Ainsi, il est possible de dire que le collage est, plus qu’un procédé technique matériel, un mode spécifique de pensée non univoque qui ouvre à de nouvelles significations et représentations, par « sampling » et emprunts de fragments de matérialités variées et d’expressions diverses.

« Cette logique de montage implique qu’il n’y a pas une seule vision vraie du monde, mais plusieurs modes simultanés de construction de mondes possibles » (Magali Nachtergael, Le collage : une lecture épistémocritique du réel », Acta Fabula, Notes de lecture, 2010)

Combiner, assembler, intégrer, plusieurs fragments de façon synchrone, dans un même espace-temps ; chaque élément de la composition conserve son intégrité sans occulter les autres, et s’intègre à « la totalité dans un même moment » (synchronicité). C’est une expérience sensible et ouverte de l’œuvre, où le visiteur participant est confronté à une œuvre qui lui demande un parcours, pièce par pièce, des différents éléments qui la composent, réservant de possibles surprises et des interprétations plurielles.